Sélection naturelle, Jill Thiel

 

Prologue

  

Comme tous les soirs de la semaine, Thomas Ederson, cet homme d'apparence sans histoire rentra du travail et trouva refuge dans son grand appartement luxueux en plein coeur de Manhattan. Son travail n'était pas des plus harassants, et avait été une vocation évidente dès son plus jeune âge. Pourtant il ne l'affectionnait pas particulièrement, de plus il l'avait obligé à quitter sa ville natale, afin de mieux pouvoir reprendre le cabinet d'avocat que son père avait monté avec un associé une décennie plus tôt. Depuis, ces deux derniers reposaient

Il pensa en posant sa mallette sur son canapé en cuir de buffle que ce soir, serait comme tous les autres soirs, calmes et monotones, rythmés par le même rituel depuis huit ans.

Il se regarda dans le miroir de la salle de bain; il n'avait pas un physique de playboy, bien au contraire, il était même plutôt laid. Il portait ses quarante deux longues années sur son visage bouffi et à moitié chauve, son ventre lui, prenait chaque année plus d'ampleur mais cela ne l'inquiétait guère. Tant que ces analyses ne révèleraient pas un taux de cholestérol ou de triglycérides important, il continuerait à manger ses pancakes arrosées de sirop d'érable qu'il faisait venir directement du Canada.

Il n'avait jamais eu un succès remarquable auprès des femmes depuis son adolescence. Au début cela l'avait frustré, mais plus tard, vers l'âge de vingt ans il était passé à autre chose.

Il retira sa cravate en se maudissant de la serrer chaque matin un peu trop fort puis il tendit l' oreille par la fenêtre qu'il avait laissé ouverte ; la pluie s'était mise à tomber. Il pesta intérieurement, il regrettait d'avoir quitter Las Vegas, cette ville lumineuse qui ne dort jamais pour cette mégalopole aux buildings trop hauts qu'il jugeait sans vie.

Il se pencha sur le lavabo en marbre vert et se passa de l'eau sur le visage, comme pour se laver de sa journée, qu'il avait passé à étudier le dossier d'un homme qui était accusé d' avoir tué sa femme. Il savait qu'il était coupable, mais ses propres vices l'avaient aidé à défendre ses accusés, même ceux qui paraissaient avoir été envoyés par le Diable en personne.

C'est d'ailleurs cette détermination à défendre les coupables et de les rendre libre qui avait fait de lui un avocat renommé et un véreux sans scrupule aux yeux des victimes.

Il s'essuya le visage et ouvrit la bouche pour contempler ses dents jaunies par la nicotine. Décidément il n'avait vraiment rien pour lui. Il retourna dans le salon et referma la fenêtre. C'était comme çà ici, un coup il faisait beau et dans les heures d'après il se mettait à tomber des cordes.

Dans le salon, au beau milieu des statuts et des meubles anciens, se trouvait sur sa table de salle à manger, son ordinateur qu'il alluma. Avant de dormir il avait toujours eu besoin de les regarder, car depuis qu'on l'avait soupçonné dans son ancienne ville, ces images étaient pour lui le seul moyen de s'extérioriser.

En attendant que son ordinateur s'allume, il se dirigea vers la cuisine où il se servit un verre de vin, un excellent Bordeaux, puis il revint dans le salon.

Mais surpris, il lâcha le verre qui se brisa au contact du parquet flottant fraîchement ciré.

― Qui êtes-vous ? Comment êtes-vous rentré ?

Conscient que cette personne encagoulée et vêtue de noir; n'était pas là pour lui vouloir du bien, il voulu courir jusqu'à sa chambre pour y prendre son 357 Magnum qu'il avait dans sa table de chevet. Arme qu'il traînait avec lui depuis des années, craignant qu'un jour on ne le retrouve. Mais il fut rattrapé par son agresseur qui le fit tomber au sol. Il lui passa une cravate, une de ces propres cravates qui plus est, autour de son cou graisseux et dégoulinant de sueur, puis il le tira le long du couloir pour le mener jusque devant l'ordinateur qui venait d'afficher l'écran d'accueil..

― Je n'ai rien fait ! Lâchez- moi je vous en supplie ! J'ai de l'argent, beaucoup d'argent si vous voulez !

Les mots avaient de plus en plus de mal à sortir de sa bouche tellement qu'il étouffait par la cravate qui se resserrait de plus belle. Sa bouche écumait. Il espérait que son agresseur lâche prise. Mais d'une main, ce dernier pianota sur le clavier et ouvrit plusieurs pages internet préenregistrées.

― Je ne sais pas ce que ça fait là ! Ce sont des spams qui s'affichent automatiquement ! hurla Thomas.

Le lien autour du cou se resserrait et le visage du gros cochon se sclérosait comme une grosse myrtille. Prit d'un accès de colère trop longtemps intériorisé, l'invité le traîna jusque dans la chambre où la couleur marron dominait. Il balança le gros chauve, complètement apeuré sur le grand lit au drap de satin noir et attacha une de ses mains sur les barreaux de la tête de lit couleur or.

Thomas voulut tenter sa dernière chance, rapidement, il se tourna vers la table de chevet contenant le révolver, sans réfléchir plus longtemps, il ouvrit le tiroir pour le saisir et rapidement le pointa en direction de son agresseur, mais en l'espace de quelques secondes l'inconnu se retourna et lui fit une clé de bras, ce qui lui fit lâcher son revolver des mains.

― Mais qu'est-ce que vous allez me faire ? demanda-t-il en sanglot avant d'être bâillonné avec un gros ruban de scotch.

Pour éviter que l'avocat ne se voit redoubler d'un quelconque courage, le type sortit un couteau de son étui porte cuisse et le planta dans le genou gauche d'Ederson qui se mit à devenir rouge tellement il tentait d'hurler sous son scotch.

Le tortionnaire jeta un coup d'œil circulaire à la pièce, manifestement il n'était pas là pour voler quoi que ce soit étant donné que sa Rolex flambant neuve était toujours accrochée à son poignet. Il quitta la chambre et fouilla partout dans l' immense appartement. Quand Thomas vit son agresseur revenir avec quelques « outils » à la main, il comprit alors que le supplice du genou n'était qu'un début et qu'effectivement, il n'était pas là pour lui vouloir du bien.

Vers le livre